L’enseignement du
français en Jordanie et les difficultés des apprenants jordaniens avec le
français au niveau universitaire
Batoul Al-Muhaissen (Irbid,
Jordanie) / Mona Al-Ajrami (Amman, Jordanie)
Abstract (English)
In recent years, a growing number of Jordanians
joined the Department of Modern Languages at Yarmouk
University (Jordan ) to learn French. However,
only few of them were able to master the language, despite intensive training
over four years within the department. Jordanian learners often say that French
is extremely difficult to learn. What are the difficulties that Jordanian
students encounter in the process of learning French? Do they have problems of
prime importance; e.g. linguistic, educational or cultural problems? In an
attempt to answer these questions, the present article will try to identify the
various difficulties Jordanian learners of French are facing.
Key
words: French, Jordan, teaching French as a foreign language
Abstract
(Deutsch)
Im Laufe der vergangenen
Jahre hat die Zahl der Französisch-Lerner am Seminar für moderne Sprachen der
Universität von Yarmouk (Jordanien) kontinuierlich zugenommen. Dennoch muss
festgestellt werden, dass nur wenige von ihnen das Französische auch nach einem
intensiven vierjährigen Unterricht gut beherrschen. Das Französische wird von
jordanischen Lernern oft als eine besonders schwer erlernbare Sprache
eingestuft. Welche sind die spezifischen Schwierigkeiten jordanischer Lerner?
Haben sie vorrangig sprachliche, pädagogische oder kulturelle Probleme? Im
vorliegenden Artikel wird versucht, die spezifischen Schwierigkeiten
jordanischer Lerner herauszuarbeiten, um Antworten auf die genannten Fragen
formulieren zu können.
Stichwörter:
Jordanien, Französisch; Vermittlung des Französischen
1 Introduction
L’enseignant joue un rôle important dans tout
processus d’apprentissage ; aussi
est-il nécessaire pour l’enseignant d’avoir une juste conscience du rôle qu’il
doit jouer ; il lui faut connaître avec précision le système dans lequel
il travaille. Pour revenir au rôle de l’enseignant, il est nécessaire de tenir
compte du fait qu’il représente un facteur de succès, ou inversement, d’échec
dans l’acquisition des connaissances linguistiques.
Dans ce contexte, la
dimension psychologique de la relation entre l’enseignant et les élèves ou
étudiants est d’une grande importance. L’enseignant est appelé à remplir des tâches multiples
afin de permettre à l’apprenant d’acquérir des compétences communicatives.
Dans cet article, nous nous occuperons de
l'enseignement du français en Jordanie au niveau universitaire. En même temps,
nous focaliserons sur les difficultés de l’apprentissage du français pour les
étudiants jordaniens.
2 Cadre
théorique
Maints travaux de
recherche concourent à montrer qu’il est impossible d’enseigner une langue sans
qu’on s’interroge sur les enjeux de l’enseignement et les conditions de
l’apprentissage. Pour que l’apprentissage soit efficace, il convient de
réfléchir sur les outils utilisés, sur les procédures de transmission, sur la
relation instaurée entre enseignant prescripteur et apprenants (Pochard 1992:103).
Les préoccupations et les objectifs de l’enseignement font partie
intégrante des programmes de formation dans les institutions qui accueillent
les futurs enseignants:
On
juge que l’avenir de l’enseignement des langues passe par la formation de
l’enseignant. (Galisson 1980: 83)
L’enseignant est le
moteur de la classe qui réunit des apprenants en classe de langue étrangère.
Dans une situation idéale, avant d’aborder une classe, l’enseignant est bien
formé et sensibilisé aux problèmes quotidiens qu’il aura à affronter au sein du
groupe constitutif de cette classe. Pourtant, certains enseignants, même s’ils
ont les compétences linguistiques requises, ne sont pas aptes à les communiquer
convenablement aux apprenants, ils ne parviennent pas à faire passer leur
« message linguistique ». La formation de l’enseignant et sa
personnalité jouent donc un rôle éminent dans la réussite de la transmission.
Ce sur quoi portent nos réflexions, c’est la relation étroite qu’il convient
d’établir entre la formation des enseignants de français et la pratique
didactique, pratique qui doit être la plus proche possible du public jordanien,
pour ce qui est des apprenants à qui nous nous intéressons dans ce contexte.
La formation d’un enseignant pour arabophones
diffère par certains aspects de celle d’un enseignant pour anglophones, les
aspects phonétiques n’étant pas identiques. L’étude du système phonétique de la
langue maternelle ainsi que l’utilisation des bonnes méthodes et matériaux
didactiques pour s’approprier celui de la langue étrangère s’avèrent
nécessaires.
Ces dix dernières années, et notamment depuis le
début des années 2000, le champ de la formation des enseignants de français
dans l’espace universitaire en Jordanie a été marqué par un ensemble
d’évolutions profondes. Ces évolutions structurelles s’articulent avec le
développement des recherches en didactique du français langue étrangère (FLE),
elles ont pour conséquence de transformer les formations universitaires
d’enseignants qui sont concernés par le FLE (Bretegnier 2009:157).
Dans la formation de l’enseignant, les traits
particuliers du public, les facteurs sociologiques et la langue maternelle des
apprenants doivent être pris en considération.
Par ailleurs, la formation ne se termine pas par la seule obtention du diplôme
qui ne met pas un point final à celle-ci ; à côté de la formation initiale
qui précède l’obtention d’un diplôme, il doit exister une formation continue
dont les contours soient bien définis. En dehors de cela, l’autoformation devra
jouer un rôle important : l’enseignant doit lui-même avoir accès à des
nouvelles connaissances et se tenir au courant des innovations. Selon Lehellaye
(1992 : 24) la réussite de l’auto-formation dépend évidemment de la
capacité de l’enseignant à s’auto-organiser.
Mialaret (1991: 17) a formulé les quatre sources
principales du savoir pédagogique : la pratique éducative, la réflexion,
la documentation et la recherche. Son
analyse peut être utile pour ce qui est de la formation des enseignants.
Dans ce qui suit, nous décrirons les difficultés
d’apprentissage du français chez les apprenants jordaniens dans l’espace
universitaire.
3 Les
difficultés linguistiques d’apprentissage du français
Chaque langue a des caractéristiques
spécifiques. Les deux langues, l’arabe et le français, sont assez différentes :
l’origine de la langue arabe est sémitique, le français est basé sur le latin.
Pour mieux comprendre les obstacles épistémologiques qui interviennent face au
français, nous procéderons à une comparaison entre les deux systèmes
linguistiques.
3.1 Le système d’écriture
Le français et l’arabe relèvent du système
alphabétique, mais n’ont pas le même alphabet, ni la même façon d’écrire. Le
premier point de divergence concerne l’écriture :
en arabe, on écrit de droite à gauche. On ne fait pas de différence entre
l’écriture manuscrite et l’écriture d’imprimerie, ni entre majuscules et
minuscules. L’alphabet arabe comprend en plus des consonnes, des voyelles
brèves et, à partir de celles-ci, des semi-consonnes ou voyelles longues
(Channe 2000: 21).
Le système d’écriture arabe est
grapho-phonétique, ce qui signifie qu’en général, on écrit ce qu’on prononce et
inversement. En arabe, la langue est la transcription de la langue orale. Alors
que ce qui caractérise la langue française, c’est la non-adéquation
grapho-phonétique: à un phénomène oral ne correspond pas forcément une lettre
et vice-versa. Cela génère une difficulté pour l’apprenant jordanien désireux
de maîtriser l’orthographe du français. Selon Catach,
la correspondance entre
le son et le signe, le signe et le son une fois connus, permet pratiquement de
se délivrer de tout souci de correction tel que nous le connaissons en France (Catach 1978: 3).
3.2 Le système phonologique
Les apprenants jordaniens éprouvent une certaine
difficulté pour articuler certains phonèmes du français, parce qu’ils
n’existent pas dans le système phonologique arabe. Voici une brève description
des différences de base entre le français et l’arabe qui renvoient aux
difficultés potentielles des étudiants arabes apprenant le français:
L’arabe ne possède
que trois voyelles fonctionnelles orales (longues ou brèves) : [a], [o], [i],
le français possédant seize voyelles. L’apprenant tend respectivement en ce qui
concerne la prononciation vers [a] ou [e], [o] ou [u], [i] ou [e].
Le français possède
dix-sept consonnes contre vingt-deux en arabe. Les deux langues ont en commun
les consonnes suivantes: [b], [d], [f], [l], [m], [n], [r], [s], [t], [r], [g].
Les consonnes
françaises qui n’existent pas dans le système consonantique arabe sont [p] et
[v]. Les apprenants jordaniens rencontrent une difficulté dans les oppositions
sourdes / sonores du type [p] / [b] et [f] / [v]. De ce fait, on trouvera chez
les apprenants une difficulté fondamentale dans le domaine de la lecture et
dans l’approche de la compétence exigée dans ce domaine : production et
expression orale (Al-Ajrami 2008:
504).
Les apprenants qui ont eu des contacts avec le
français à l’école privée ou à l’école publique (où est enseigné le français),
parlent généralement une langue française pauvre en vocabulaire, mais correcte
dans son expression.
L’origine d’un certain nombre de difficultés
linguistiques est due au fait que les apprenants rencontrent des problèmes
d’interférence avec leur langue maternelle arabe. Cela amoindrit la qualité de
leurs compétences en français, tant en communication orale qu’écrite.
3.3 La
grammaire
Dans la majorité des cas, les professeurs de
français en Jordanie ne sont pas très bien préparés à l’enseignement qu’ils
doivent dispenser aux apprenants, surtout en ce qui concerne la grammaire. Ils
tentent toujours de l’enseigner comme on le fait à l’adresse des apprenants français
qui possèdent déjà les structures essentielles du français. L’enseignement du
français reste trop descriptif; la grammaire est mal enseignée et renforce
ainsi ce manque : on fait apprendre par cœur des règles de grammaire en
utilisant un vocabulaire abstrait plus ou moins assimilé.
Une solution de ce problème serait que les
enseignants utilisent des exercices pratiques à partir de l’analyse des fautes
commises par les apprenants. Ces exercices permettent l’installation et
l’acquisition des mécanismes de base, nécessaires pour la pratique spontanée et
correcte de la langue. A terme, on substituera ainsi d’autres formes
linguistiques à celles portées par la langue maternelle (Koulayan 2005: pp.
11).
L’application des principes suivants contribuerait à favoriser l’apprentissage du français dans une
approche communicative:
- Éviter de longues répétitions de règles
grammaticales et l’apprentissage par cœur;
- Favoriser la production de phrases à la fin
de chaque cours, pour que les apprenants maîtrisent le vocabulaire et la
grammaire;
- Faire du travail de groupe en classe: à
partir d’exercices réalisés en groupe, les apprenants construisent des
dialogues devant l’enseignant et la classe;
- Utiliser des documents authentiques
(journaux, magazines, bandes dessinées) de préférence aux manuels;
- Recourir à des jeux en classe de langue
française (jeu du pendu, mots croisés) peut favoriser l’apprentissage du
vocabulaire;
- Favoriser la pratique d’exercices
phonologiques sur ordinateur en recours à internet.
3.4 Le
vocabulaire
Les apprenants jordaniens ont généralement des
problèmes à comprendre le sens général d’un texte écrit, bien qu’ils
réussissent à trouver le sens de tous les mots dans le dictionnaire : ils
ne comprennent pas l’idée générale du texte qui leur est proposé. Ils ont donc
besoin de le lire plusieurs fois pour le comprendre, leur compréhension étant lente
et exigeant beaucoup de temps.
Une autre difficulté que rencontrent les
apprenants jordaniens se réfère aux expressions écrite et orale. Il leur est
difficile de trouver les mots et le vocabulaire qui conviennent pour parler ou
pour écrire. Il y a donc une faiblesse quant aux connaissances lexicales
renforcée par le manque de pratique de la production écrite, susceptible de
permettre le réinvestissement des mots rencontrés en classe, à l’oral comme à
l’écrit. Les apprenants ont tendance à apprendre le vocabulaire sans songer à
utiliser les mots appris dans la production écrite.
En dehors de cela, les mots polysémiques posent
des problèmes ; ils ne sont pas toujours perçus comme ayant plusieurs
significations. Ils ne sont pas mémorisés en référence à des contextes
d’utilisation possibles. Les apprenants jordaniens ont tendance à assimiler les
règles du français en construisant des relations avec la première langue
étrangère apprise, à savoir l’anglais, qui règne dans les médias ; la
traduction littérale de la langue arabe au français peut être parasitée par
l’anglais, constitutif d’un intervalle entre les deux langues, arabe et
français.
4 Les
difficultés d’apprentissage du français d’ordre socioculturel
La plupart de nos apprenants jordaniens sont
d’origine rurale. Ces apprenants ruraux ne recourent pas fréquemment au
français dans les situations ordinaires de communication, aussi ont-ils de
grandes difficultés à apprendre le français en classe, pour la raison que
l’école s’appuie essentiellement sur l’enseignement traditionnel de la
grammaire française et du vocabulaire, et ne les aide pas à s’ouvrir à la
culture française.
La distance entre les apprenants et le français
est d’autant plus grande qu’ils ont des habitus de ruraux, ce qui fait qu’ils
ne comprennent pas toujours la part implicite de certains textes ni
l’arrière-plan culturel de certains usages de la langue; ils ne perçoivent
guère cette dimension implicite puisque, en dehors de la classe, ils ne vivent
pas de rencontres avec des locuteurs qui auraient une idée de ce que peut
véhiculer la langue française. Ces apprenants fréquentent une classe uniquement
pour passer l’examen du français et pour avoir une note.
Dans une classe donnée, on trouvera des
apprenants jordaniens qui n’ont pas de liens avec la France : leurs familles
n’ont jamais été en France, eux-mêmes ne savent rien sur la culture française,
ni même sur la situation géographique de la France (ils ignorent les noms des
villes françaises, la cuisine française, les mouvements politiques, les acteurs
du gouvernement, pour n’en citer que quelques exemples).
Evidemment pour un apprenant en milieu rural,
les situations ordinaires de communications dans lesquelles il est fréquemment
impliqué appellent l’usage de l’arabe, la langue maternelle, c’est pourquoi
l’apprenant « s’éloigne » du français, la langue de l’institution
scolaire (Arraichi 2002: 53). À l’école jordanienne, l’apprenant est placé face
à une obligation d’apprendre; il lui manque une motivation particulière.
En Jordanie, les écoles françaises sont le fruit
au départ de l’action des missions religieuses. Ces écoles se proposent
d’introduire et d’offrir en partage la langue française, la culture française.
Une formation bilingue (arabe-français) s’inscrit dans le cadre général d’une
politique éducative et culturelle, adoptée par la bourgeoisie jordanienne, pour
que les langues étrangères soient sources de savoir, de culture, de distinction
et de promotion sociale. La part du français reste toutefois modeste. C’est
pourquoi le nombre d’apprenants jordaniens dans une classe, ayant un lien avec
la France, n’est pas élevé; leur présence dans la classe pourrait donner une
représentation positive de la culture française. En Jordanie, la langue de
communication reste l’anglais.
L’héritage culturel est un élément à ne pas
négliger dans le contexte du savoir
apprendre (Itma 2009: 9) qui est déterminé par la société dans laquelle vit
le sujet. L’écart culturel forme un obstacle fondamental à l’apprentissage des
langues, car les traditions éducatives et les pratiques relationnelles
provoquent des problèmes peu conscients pour l’apprentissage et difficiles à
résoudre. Les méthodes d’enseignement ainsi que le contenu du savoir à
enseigner ne sont pas toujours adaptés à la culture de l’apprenant.
En famille, les enfants reçoivent une éducation
sur les valeurs, qui jouent un rôle dans la construction des représentations de
l’apprentissage. On parle ici de l’autorité familiale et du rôle qu’elle joue
dans l’éducation de l’enfant. La façon d’élever l’enfant se traduit dans sa
façon d’apprendre. Un apprenant élevé dans un contexte où il peut prendre
l’initiative, où il est doté d’une certaine liberté de pensée, sera
vraisemblablement actif dans un contexte d’apprentissage d’une langue. Pour le
dire autrement, la façon dont l’apprenant vit en famille rejaillira sur sa
façon d’apprendre.
Du point de vue social au sein d’une famille, un
apprenant vivant dans une société arabophone dépend largement du support
familial, même après avoir pris son indépendance. L’expérience vécue en famille
se reconduira en milieu institutionnel.
L’apprenant dépend culturellement de sa famille,
de sa société. De ce fait, culturellement, il n’est pas nécessairement en phase
avec son enseignant (Itma 2009: 9). Dans le contexte jordanien, on peut voir
apparaître des tensions, sinon des incompréhensions entre enseignants et
apprenants, parce que leur culture n’est pas commune.
Les obstacles à la communication interculturelle
chez l’apprenant jordanien au sein d’une institution universitaire se situent
essentiellement à deux niveaux:
- Au niveau cognitif: manque de connaissance
à propos de la culture française, des implications de celle-ci ;
absence de prise de conscience de la relativité culturelle;
- Au niveau affectif: peur de l’étranger,
difficulté à sortir du cadre de référence, subjectivité et persistance des
stéréotypes ; jugements de valeur exclusifs qui vont jusqu’au refus de la
différence culturelle.
Dans le cadre de
l’enseignement, l’apprenant jordanien est donc confronté à une culture, la
culture française, dont il n’est pas habitué; le choc culturel suscite des
résistances dans l’apprentissage. Afin de réduire ce choc culturel, un certain
nombre d’attitudes à acquérir devront être valorisées dans l’enseignement :
- l’acceptation du défi que représente toute
expérience interculturelle ;
- la recherche de connaissances relatives à
la culture étrangère avec laquelle on est en relation via l’apprentissage
de la langue ;
- le sens de l’écoute.
L’apprenant jordanien
du français a besoin que de nouvelles matières soient introduites dans le
programme universitaire, à côté des matières déjà existantes, comme la
littérature comparée et la civilisation. Il faut mettre en rapport la culture
française acquise et l’expérience culturelle de l’apprenant référée à sa
culture nationale. Il est nécessaire de réformer le programme dans le cadre
duquel est enseignée la culture française, en introduisant deux autres matières
nouvelles, l’une enseignée en première année : Introduction à la culture française contemporaine, l’autre
enseignée en deuxième année: Arts et
lettres. Le but de cette réforme est de rapprocher les deux cultures,
jordanienne et française. Le transfert culturel consiste à apporter à
l’apprenant des connaissances sur un monde qui n’est pas le sien. Pour résoudre
les problèmes qui se posent dans le contexte de ce transfert culturel, on peut
avoir recours à l’adaptation, l’explication des textes, ce qui revient à
conserver le référent étranger, mais en le transmettant sous des formes
compréhensibles.
5 Les
difficultés d’apprentissage du français concernant le choix de manuels - le cas
de l’Université du Yarmouk
L’enseignant au sein
du cadre universitaire est confronté à la problématique du choix du manuel.
Pour le FLE, une offre importante de manuels généralistes / universels abonde
sur le marché, et elle est proposée par des maisons d’édition françaises. Il y
a une correspondance des manuels avec les niveaux du Cadre européen commun de
référence pour les langues (CECR), devenu la référence pour les programmes
d’enseignement du français langue étrangère.
En Jordanie, tous les
manuels sont conçus comme un ensemble pédagogique complet (livre d’élève,
cahier d’exercice, cassettes DVD). Pourtant, les apprenants jordaniens ont
généralement appris la langue d’une façon traditionnelle. De même, la plupart
des enseignants ont recours dans l’espace pédagogique à une méthode
traditionnelle. C’est regrettable parce que l’apprenant d’une langue étrangère
a besoin de cours qui promeuvent des activités intellectuelles et
communicatives.
Il est évident, pour
des raisons différentes - sociales, culturelles, religieuses - qu’un
enseignant effectue une sorte d’autocensure des zones dites
« taboues » (Brian 2010: 230). On ne saurait ignorer le fait que,
pour des raisons religieuses, les sociétés connaissent des zones litigieuses à
éviter afin de ne pas provoquer d’interminables polémiques.
En général, le manuel
semble occuper un rôle essentiel aussi bien pour les enseignants que pour les
apprenants. Mais lorsque les apprenants sentent que l’enseignant se base trop
dessus, ils pensent qu’il n’est pas suffisamment compétent pour assurer les
cours.
La plupart des
apprenants jordaniens se sentent timides quand il s’agit de parler devant leurs
camarades et leurs enseignants. Ils ont peur de faire des fautes, parce que la
plupart des méthodes et manuels utilisés
en Jordanie favorisent la pratique de l’écrit plus que celle de l’oral.
Pour cela, l’enseignant doit favoriser la production et l’expression orale par
des dialogues et des jeux.
Il est nécessaire
d’enseigner aux enseignants des méthodes de définir les points faibles et les
points forts des manuels en question, pour qu’ils n’en choisissent que ceux qui
sont d’une bonne qualité et pour qu’ils soient capables de les enrichir avec
des activités adéquates qui vont dans le sens de l’enseignement désiré. Il faut
s’interroger sur les besoins langagiers en contexte, mais aussi cerner des
variables d’enseignement : public cible, profil, culture éducative de ce
public, qui conditionnera le choix du manuel, en raison du rythme du groupe
dans la classe et de la progression proposée (Courtillon 2003,60).
6
Conclusion
Pour les apprenants,
l’inadaptation de la formation des enseignants, les méthodes auxquelles ils ont
recours, sont susceptibles d’engendrer des difficultés lors de l’apprentissage
du français. Les enseignants de français ont besoin d’une formation tout au
long de leur vie professionnelle, afin de se doter de compétences et de savoirs
élaborés dans le cadre des formations continues au-delà de la formation
initiale.
Comme c’est le cas dans le monde occidental, la
didactique des langues étrangères, y inclus celle du FLE, devrait suivre les
grandes lignes suivantes :
- Voir dans la langue un instrument de
communication, mais aussi un véhicule de toute une culture ;
- Exploiter toutes les situations de
communication qui se présentent en classe,
l’acceptation de la spontanéité favorisant un climat de confiance
et d’authenticité dans les échanges en classe;
- Diversifier les activités dans la classe de
français ;
- Eviter de corriger rapidement les écarts
par rapport à la norme. Il est important de faire prendre conscience à
l’apprenant de ces écarts. Pourtant, il faut lui laisser le temps de se
corriger ; s’il n’y parvient pas, il faut demander aux autres membres de
la classe de le corriger (Wadi 1988:151).
Si l’enseignement du
français langue étrangère suit une telle approche, les résultats didactiques
obtenus en classe de FLE en Jordanie s’amélioreront sans aucun doute dans un proche
avenir. L’objectif du présent article est d’y faire une petite contribution.
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