Wissenschaftlicher Sammelband, herausgegeben von Thomas Tinnefeld unter Mitarbeit von Ines-A. Busch-Lauer, Hans Giessen, Michael Langner, Adelheid Schumann. Saarbrücken: htw saar 2012. ISBN 978-3-942949-00-2.

Lenseignement du français en Jordanie et les difficultés des apprenants jordaniens avec le français au niveau universitaire

Batoul Al-Muhaissen (Irbid, Jordanie) / Mona Al-Ajrami (Amman, Jordanie)


Abstract (English)
In recent years, a growing number of Jordanians joined the Department of Modern Languages at Yarmouk University (Jordan) to learn French. However, only few of them were able to master the language, despite intensive training over four years within the department. Jordanian learners often say that French is extremely difficult to learn. What are the difficulties that Jordanian students encounter in the process of learning French? Do they have problems of prime importance; e.g. linguistic, educational or cultural problems? In an attempt to answer these questions, the present article will try to identify the various difficulties Jordanian learners of French are facing.
Key words: French, Jordan, teaching French as a foreign language


Abstract (Deutsch)
Im Laufe der vergangenen Jahre hat die Zahl der Französisch-Lerner am Seminar für moderne Sprachen der Universität von Yarmouk (Jordanien) kontinuierlich zugenommen. Dennoch muss festgestellt werden, dass nur wenige von ihnen das Französische auch nach einem intensiven vierjährigen Unterricht gut beherrschen. Das Französische wird von jordanischen Lernern oft als eine besonders schwer erlernbare Sprache eingestuft. Welche sind die spezifischen Schwierigkeiten jordanischer Lerner? Haben sie vorrangig sprachliche, pädagogische oder kulturelle Probleme? Im vorliegenden Artikel wird versucht, die spezifischen Schwierigkeiten jordanischer Lerner herauszuarbeiten, um Antworten auf die genannten Fragen formulieren zu können.
Stichwörter: Jordanien, Französisch; Vermittlung des Französischen




1   Introduction

L’enseignant joue un rôle important dans tout processus d’apprentissage ; aussi est-il nécessaire pour l’enseignant d’avoir une juste conscience du rôle qu’il doit jouer ; il lui faut connaître avec précision le système dans lequel il travaille. Pour revenir au rôle de l’enseignant, il est nécessaire de tenir compte du fait qu’il représente un facteur de succès, ou inversement, d’échec dans l’acquisition des connaissances linguistiques.

Dans ce contexte, la dimension psychologique de la relation entre l’enseignant et les élèves ou étudiants est d’une grande importance. L’enseignant est appelé à remplir des tâches multiples afin de permettre à l’apprenant d’acquérir des compétences communicatives.

Dans cet article, nous nous occuperons de l'enseignement du français en Jordanie au niveau universitaire. En même temps, nous focaliserons sur les difficultés de l’apprentissage du français pour les étudiants jordaniens.


2   Cadre théorique

Maints travaux de recherche concourent à montrer qu’il est impossible d’enseigner une langue sans qu’on s’interroge sur les enjeux de l’enseignement et les conditions de l’apprentissage. Pour que l’apprentissage soit efficace, il convient de réfléchir sur les outils utilisés, sur les procédures de transmission, sur la relation instaurée entre enseignant prescripteur et apprenants (Pochard 1992:103). Les préoccupations et les objectifs de l’enseignement font partie intégrante des programmes de formation dans les institutions qui accueillent les futurs enseignants:

On juge que l’avenir de l’enseignement des langues passe par la formation de l’enseignant. (Galisson 1980: 83)

L’enseignant est le moteur de la classe qui réunit des apprenants en classe de langue étrangère. Dans une situation idéale, avant d’aborder une classe, l’enseignant est bien formé et sensibilisé aux problèmes quotidiens qu’il aura à affronter au sein du groupe constitutif de cette classe. Pourtant, certains enseignants, même s’ils ont les compétences linguistiques requises, ne sont pas aptes à les communiquer convenablement aux apprenants, ils ne parviennent pas à faire passer leur « message linguistique ». La formation de l’enseignant et sa personnalité jouent donc un rôle éminent dans la réussite de la transmission. Ce sur quoi portent nos réflexions, c’est la relation étroite qu’il convient d’établir entre la formation des enseignants de français et la pratique didactique, pratique qui doit être la plus proche possible du public jordanien, pour ce qui est des apprenants à qui nous nous intéressons dans ce contexte.

La formation d’un enseignant pour arabophones diffère par certains aspects de celle d’un enseignant pour anglophones, les aspects phonétiques n’étant pas identiques. L’étude du système phonétique de la langue maternelle ainsi que l’utilisation des bonnes méthodes et matériaux didactiques pour s’approprier celui de la langue étrangère s’avèrent nécessaires.

Ces dix dernières années, et notamment depuis le début des années 2000, le champ de la formation des enseignants de français dans l’espace universitaire en Jordanie a été marqué par un ensemble d’évolutions profondes. Ces évolutions structurelles s’articulent avec le développement des recherches en didactique du français langue étrangère (FLE), elles ont pour conséquence de transformer les formations universitaires d’enseignants qui sont concernés par le FLE (Bretegnier 2009:157).

Dans la formation de l’enseignant, les traits particuliers du public, les facteurs sociologiques et la langue maternelle des apprenants doivent être pris en considération. Par ailleurs, la formation ne se termine pas par la seule obtention du diplôme qui ne met pas un point final à celle-ci ; à côté de la formation initiale qui précède l’obtention d’un diplôme, il doit exister une formation continue dont les contours soient bien définis. En dehors de cela, l’autoformation devra jouer un rôle important : l’enseignant doit lui-même avoir accès à des nouvelles connaissances et se tenir au courant des innovations. Selon Lehellaye (1992 : 24) la réussite de l’auto-formation dépend évidemment de la capacité de l’enseignant à s’auto-organiser. 

Mialaret (1991: 17) a formulé les quatre sources principales du savoir pédagogique : la pratique éducative, la réflexion, la documentation et la recherche.  Son analyse peut être utile pour ce qui est de la formation des enseignants.

Dans ce qui suit, nous décrirons les difficultés d’apprentissage du français chez les apprenants jordaniens dans l’espace universitaire.


3   Les difficultés linguistiques d’apprentissage du français

Chaque langue a des caractéristiques spécifiques. Les deux langues, l’arabe et le français, sont assez différentes : l’origine de la langue arabe est sémitique, le français est basé sur le latin. Pour mieux comprendre les obstacles épistémologiques qui interviennent face au français, nous procéderons à une comparaison entre les deux systèmes linguistiques.


3.1  Le système d’écriture

Le français et l’arabe relèvent du système alphabétique, mais n’ont pas le même alphabet, ni la même façon d’écrire. Le premier point de divergence concerne l’écriture : en arabe, on écrit de droite à gauche. On ne fait pas de différence entre l’écriture manuscrite et l’écriture d’imprimerie, ni entre majuscules et minuscules. L’alphabet arabe comprend en plus des consonnes, des voyelles brèves et, à partir de celles-ci, des semi-consonnes ou voyelles longues (Channe 2000: 21).

Le système d’écriture arabe est grapho-phonétique, ce qui signifie qu’en général, on écrit ce qu’on prononce et inversement. En arabe, la langue est la transcription de la langue orale. Alors que ce qui caractérise la langue française, c’est la non-adéquation grapho-phonétique: à un phénomène oral ne correspond pas forcément une lettre et vice-versa. Cela génère une difficulté pour l’apprenant jordanien désireux de maîtriser l’orthographe du français. Selon Catach,

la correspondance entre le son et le signe, le signe et le son une fois connus, permet pratiquement de se délivrer de tout souci de correction tel que nous le connaissons en France (Catach 1978: 3).



3.2  Le système phonologique

Les apprenants jordaniens éprouvent une certaine difficulté pour articuler certains phonèmes du français, parce qu’ils n’existent pas dans le système phonologique arabe. Voici une brève description des différences de base entre le français et l’arabe qui renvoient aux difficultés potentielles des étudiants arabes apprenant le français:

L’arabe ne possède que trois voyelles fonctionnelles orales (longues ou brèves) : [a], [o], [i], le français possédant seize voyelles. L’apprenant tend respectivement en ce qui concerne la prononciation vers [a] ou [e], [o] ou [u], [i] ou [e].
Le français possède dix-sept consonnes contre vingt-deux en arabe. Les deux langues ont en commun les consonnes suivantes: [b], [d], [f], [l], [m], [n], [r], [s], [t], [r], [g].
Les consonnes françaises qui n’existent pas dans le système consonantique arabe sont [p] et [v]. Les apprenants jordaniens rencontrent une difficulté dans les oppositions sourdes / sonores du type [p] / [b] et [f] / [v]. De ce fait, on trouvera chez les apprenants une difficulté fondamentale dans le domaine de la lecture et dans l’approche de la compétence exigée dans ce domaine : production et expression orale (Al-Ajrami 2008: 504).

Les apprenants qui ont eu des contacts avec le français à l’école privée ou à l’école publique (où est enseigné le français), parlent généralement une langue française pauvre en vocabulaire, mais correcte dans son expression.

L’origine d’un certain nombre de difficultés linguistiques est due au fait que les apprenants rencontrent des problèmes d’interférence avec leur langue maternelle arabe. Cela amoindrit la qualité de leurs compétences en français, tant en communication orale qu’écrite.


3.3  La grammaire

Dans la majorité des cas, les professeurs de français en Jordanie ne sont pas très bien préparés à l’enseignement qu’ils doivent dispenser aux apprenants, surtout en ce qui concerne la grammaire. Ils tentent toujours de l’enseigner comme on le fait à l’adresse des apprenants français qui possèdent déjà les structures essentielles du français. L’enseignement du français reste trop descriptif; la grammaire est mal enseignée et renforce ainsi ce manque : on fait apprendre par cœur des règles de grammaire en utilisant un vocabulaire abstrait plus ou moins assimilé.

Une solution de ce problème serait que les enseignants utilisent des exercices pratiques à partir de l’analyse des fautes commises par les apprenants. Ces exercices permettent l’installation et l’acquisition des mécanismes de base, nécessaires pour la pratique spontanée et correcte de la langue. A terme, on substituera ainsi d’autres formes linguistiques à celles portées par la langue maternelle (Koulayan 2005: pp. 11).

L’application des principes suivants contribuerait à favoriser l’apprentissage du français dans une approche communicative:
  • Éviter de longues répétitions de règles grammaticales et l’apprentissage par cœur;
  • Favoriser la production de phrases à la fin de chaque cours, pour que les apprenants maîtrisent le vocabulaire et la grammaire;
  • Faire du travail de groupe en classe: à partir d’exercices réalisés en groupe, les apprenants construisent des dialogues devant l’enseignant et la classe;
  • Utiliser des documents authentiques (journaux, magazines, bandes dessinées) de préférence aux manuels;
  • Recourir à des jeux en classe de langue française (jeu du pendu, mots croisés) peut favoriser l’apprentissage du vocabulaire;
  • Favoriser la pratique d’exercices phonologiques sur ordinateur en recours à internet. 

3.4  Le vocabulaire

Les apprenants jordaniens ont généralement des problèmes à comprendre le sens général d’un texte écrit, bien qu’ils réussissent à trouver le sens de tous les mots dans le dictionnaire : ils ne comprennent pas l’idée générale du texte qui leur est proposé. Ils ont donc besoin de le lire plusieurs fois pour le comprendre, leur compréhension étant lente et exigeant beaucoup de temps.

Une autre difficulté que rencontrent les apprenants jordaniens se réfère aux expressions écrite et orale. Il leur est difficile de trouver les mots et le vocabulaire qui conviennent pour parler ou pour écrire. Il y a donc une faiblesse quant aux connaissances lexicales renforcée par le manque de pratique de la production écrite, susceptible de permettre le réinvestissement des mots rencontrés en classe, à l’oral comme à l’écrit. Les apprenants ont tendance à apprendre le vocabulaire sans songer à utiliser les mots appris dans la production écrite.

En dehors de cela, les mots polysémiques posent des problèmes ; ils ne sont pas toujours perçus comme ayant plusieurs significations. Ils ne sont pas mémorisés en référence à des contextes d’utilisation possibles. Les apprenants jordaniens ont tendance à assimiler les règles du français en construisant des relations avec la première langue étrangère apprise, à savoir l’anglais, qui règne dans les médias ; la traduction littérale de la langue arabe au français peut être parasitée par l’anglais, constitutif d’un intervalle entre les deux langues, arabe et français.


4   Les difficultés d’apprentissage du français d’ordre socioculturel

La plupart de nos apprenants jordaniens sont d’origine rurale. Ces apprenants ruraux ne recourent pas fréquemment au français dans les situations ordinaires de communication, aussi ont-ils de grandes difficultés à apprendre le français en classe, pour la raison que l’école s’appuie essentiellement sur l’enseignement traditionnel de la grammaire française et du vocabulaire, et ne les aide pas à s’ouvrir à la culture française.

La distance entre les apprenants et le français est d’autant plus grande qu’ils ont des habitus de ruraux, ce qui fait qu’ils ne comprennent pas toujours la part implicite de certains textes ni l’arrière-plan culturel de certains usages de la langue; ils ne perçoivent guère cette dimension implicite puisque, en dehors de la classe, ils ne vivent pas de rencontres avec des locuteurs qui auraient une idée de ce que peut véhiculer la langue française. Ces apprenants fréquentent une classe uniquement pour passer l’examen du français et pour avoir une note.

Dans une classe donnée, on trouvera des apprenants jordaniens qui n’ont pas de liens avec la France : leurs familles n’ont jamais été en France, eux-mêmes ne savent rien sur la culture française, ni même sur la situation géographique de la France (ils ignorent les noms des villes françaises, la cuisine française, les mouvements politiques, les acteurs du gouvernement, pour n’en citer que quelques exemples).

Evidemment pour un apprenant en milieu rural, les situations ordinaires de communications dans lesquelles il est fréquemment impliqué appellent l’usage de l’arabe, la langue maternelle, c’est pourquoi l’apprenant « s’éloigne » du français, la langue de l’institution scolaire (Arraichi 2002: 53). À l’école jordanienne, l’apprenant est placé face à une obligation d’apprendre; il lui manque une motivation particulière.

En Jordanie, les écoles françaises sont le fruit au départ de l’action des missions religieuses. Ces écoles se proposent d’introduire et d’offrir en partage la langue française, la culture française. Une formation bilingue (arabe-français) s’inscrit dans le cadre général d’une politique éducative et culturelle, adoptée par la bourgeoisie jordanienne, pour que les langues étrangères soient sources de savoir, de culture, de distinction et de promotion sociale. La part du français reste toutefois modeste. C’est pourquoi le nombre d’apprenants jordaniens dans une classe, ayant un lien avec la France, n’est pas élevé; leur présence dans la classe pourrait donner une représentation positive de la culture française. En Jordanie, la langue de communication reste l’anglais.

L’héritage culturel est un élément à ne pas négliger dans le contexte du savoir apprendre (Itma 2009: 9) qui est déterminé par la société dans laquelle vit le sujet. L’écart culturel forme un obstacle fondamental à l’apprentissage des langues, car les traditions éducatives et les pratiques relationnelles provoquent des problèmes peu conscients pour l’apprentissage et difficiles à résoudre. Les méthodes d’enseignement ainsi que le contenu du savoir à enseigner ne sont pas toujours adaptés à la culture de l’apprenant.

En famille, les enfants reçoivent une éducation sur les valeurs, qui jouent un rôle dans la construction des représentations de l’apprentissage. On parle ici de l’autorité familiale et du rôle qu’elle joue dans l’éducation de l’enfant. La façon d’élever l’enfant se traduit dans sa façon d’apprendre. Un apprenant élevé dans un contexte où il peut prendre l’initiative, où il est doté d’une certaine liberté de pensée, sera vraisemblablement actif dans un contexte d’apprentissage d’une langue. Pour le dire autrement, la façon dont l’apprenant vit en famille rejaillira sur sa façon d’apprendre.

Du point de vue social au sein d’une famille, un apprenant vivant dans une société arabophone dépend largement du support familial, même après avoir pris son indépendance. L’expérience vécue en famille se reconduira en milieu institutionnel.

L’apprenant dépend culturellement de sa famille, de sa société. De ce fait, culturellement, il n’est pas nécessairement en phase avec son enseignant (Itma 2009: 9). Dans le contexte jordanien, on peut voir apparaître des tensions, sinon des incompréhensions entre enseignants et apprenants, parce que leur culture n’est pas commune.

Les obstacles à la communication interculturelle chez l’apprenant jordanien au sein d’une institution universitaire se situent essentiellement à deux niveaux:
  • Au niveau cognitif: manque de connaissance à propos de la culture française, des implications de celle-ci ; absence de prise de conscience de la relativité culturelle;
  • Au niveau affectif: peur de l’étranger, difficulté à sortir du cadre de référence, subjectivité et persistance des stéréotypes ; jugements de valeur exclusifs qui vont jusqu’au refus de la différence culturelle.
Dans le cadre de l’enseignement, l’apprenant jordanien est donc confronté à une culture, la culture française, dont il n’est pas habitué; le choc culturel suscite des résistances dans l’apprentissage. Afin de réduire ce choc culturel, un certain nombre d’attitudes à acquérir devront être valorisées dans l’enseignement :
  • l’acceptation du défi que représente toute expérience interculturelle ;
  • la recherche de connaissances relatives à la culture étrangère avec laquelle on est en relation via l’apprentissage de la langue ;
  • le sens de l’écoute.
L’apprenant jordanien du français a besoin que de nouvelles matières soient introduites dans le programme universitaire, à côté des matières déjà existantes, comme la littérature comparée et la civilisation. Il faut mettre en rapport la culture française acquise et l’expérience culturelle de l’apprenant référée à sa culture nationale. Il est nécessaire de réformer le programme dans le cadre duquel est enseignée la culture française, en introduisant deux autres matières nouvelles, l’une enseignée en première année : Introduction à la culture française contemporaine, l’autre enseignée en deuxième année: Arts et lettres. Le but de cette réforme est de rapprocher les deux cultures, jordanienne et française. Le transfert culturel consiste à apporter à l’apprenant des connaissances sur un monde qui n’est pas le sien. Pour résoudre les problèmes qui se posent dans le contexte de ce transfert culturel, on peut avoir recours à l’adaptation, l’explication des textes, ce qui revient à conserver le référent étranger, mais en le transmettant sous des formes compréhensibles.


5    Les difficultés d’apprentissage du français concernant le choix de manuels - le cas de l’Université du Yarmouk

L’enseignant au sein du cadre universitaire est confronté à la problématique du choix du manuel. Pour le FLE, une offre importante de manuels généralistes / universels abonde sur le marché, et elle est proposée par des maisons d’édition françaises. Il y a une correspondance des manuels avec les niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), devenu la référence pour les programmes d’enseignement du français langue étrangère.

En Jordanie, tous les manuels sont conçus comme un ensemble pédagogique complet (livre d’élève, cahier d’exercice, cassettes DVD). Pourtant, les apprenants jordaniens ont généralement appris la langue d’une façon traditionnelle. De même, la plupart des enseignants ont recours dans l’espace pédagogique à une méthode traditionnelle. C’est regrettable parce que l’apprenant d’une langue étrangère a besoin de cours qui promeuvent des activités intellectuelles et communicatives.

Il est évident, pour des raisons différentes - sociales, culturelles, religieuses - qu’un enseignant effectue une sorte d’autocensure des zones dites « taboues » (Brian 2010: 230). On ne saurait ignorer le fait que, pour des raisons religieuses, les sociétés connaissent des zones litigieuses à éviter afin de ne pas provoquer d’interminables polémiques.

En général, le manuel semble occuper un rôle essentiel aussi bien pour les enseignants que pour les apprenants. Mais lorsque les apprenants sentent que l’enseignant se base trop dessus, ils pensent qu’il n’est pas suffisamment compétent pour assurer les cours.

La plupart des apprenants jordaniens se sentent timides quand il s’agit de parler devant leurs camarades et leurs enseignants. Ils ont peur de faire des fautes, parce que la plupart des méthodes et manuels utilisés en Jordanie favorisent la pratique de l’écrit plus que celle de l’oral. Pour cela, l’enseignant doit favoriser la production et l’expression orale par des dialogues et des jeux.

Il est nécessaire d’enseigner aux enseignants des méthodes de définir les points faibles et les points forts des manuels en question, pour qu’ils n’en choisissent que ceux qui sont d’une bonne qualité et pour qu’ils soient capables de les enrichir avec des activités adéquates qui vont dans le sens de l’enseignement désiré. Il faut s’interroger sur les besoins langagiers en contexte, mais aussi cerner des variables d’enseignement : public cible, profil, culture éducative de ce public, qui conditionnera le choix du manuel, en raison du rythme du groupe dans la classe et de la progression proposée (Courtillon 2003,60).


6   Conclusion

Pour les apprenants, l’inadaptation de la formation des enseignants, les méthodes auxquelles ils ont recours, sont susceptibles d’engendrer des difficultés lors de l’apprentissage du français. Les enseignants de français ont besoin d’une formation tout au long de leur vie professionnelle, afin de se doter de compétences et de savoirs élaborés dans le cadre des formations continues au-delà de la formation initiale.

Comme c’est le cas dans le monde occidental, la didactique des langues étrangères, y inclus celle du FLE, devrait suivre les grandes lignes suivantes :
  • Voir dans la langue un instrument de communication, mais aussi un véhicule de toute une culture ;
  • Exploiter toutes les situations de communication qui se présentent en classe,  l’acceptation de la spontanéité favorisant un climat de confiance et d’authenticité dans les échanges en classe;
  • Diversifier les activités dans la classe de français ;
  • Eviter de corriger rapidement les écarts par rapport à la norme. Il est important de faire prendre conscience à l’apprenant de ces écarts. Pourtant, il faut lui laisser le temps de se corriger ; s’il n’y parvient pas, il faut demander aux autres membres de la classe de le corriger (Wadi 1988:151).
Si l’enseignement du français langue étrangère suit une telle approche, les résultats didactiques obtenus en classe de FLE en Jordanie s’amélioreront sans aucun doute dans un proche avenir. L’objectif du présent article est d’y faire une petite contribution.



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